Imagination et métaphores

Résumé court : hier soir, sortie du boulot tard, à défaut d’occupation sociale pour le repas, puis sortie au Merle, puis rentrage pour dodo à l’appartement.

En partant du travail, j’étais miné d’appréhensions. Très probablement, j’allais retrouver au Merle certaine personne, ravivant des souvenirs et surtout cette impression d’incomplétion. Dans le métro, cependant, Robert Miles aidant, cette appréhension s’est peu à peu dissipée. Robert Miles, mais pas que : contre tous les bons conseils dont je loue les mérites, j’ai laissé libre cours à mon imagination pour simuler une conversation-bilan que je pourrais avoir avec l’intéressé… Pour lui expliquer comment j’ai réussi à sublimer ce que je ressentais pour lui ; comment j’ai réussi à reprendre un rythme de vie qui m’empêche de déprimer pour une suite de mauvais événements sur lesquels on ne peut plus revenir ; comment j’ai décidé d’éviter de lui imposer ma présence, la semaine dernière, plus par respect pour lui que parce que ce faire m’imposait à moi ; comment j’aimerais faire partie (un peu) de son existence, même si ce n’est pas dans son lit ; comment je ne regretterai pas lui avoir conféré, si je puis dire, un certain « pouvoir » sur moi en lui décrivant librement certaines parties de ma personnalité et de mon histoire, et comment je ne tenterai pas de lui enlever en revenant sur mes propos ; etc.

En formulant virtuellement ces idées avec des mots, je me suis apaisé.

Je suis arrivé tôt au Merle. Trop tôt d’ailleurs : il n’y avait pas grand-monde, et la climatisation aidant, il faisait plutôt froid.

Mais ça s’est très vite réchauffé.

Puis j’ai commencé comme il se doit à laver mon corps du stress et des préoccupations, en alignant mon rythme métabolique sur celui de la musique.

C’était bon.

Puis il est arrivé. Plus précisément, elle l’y a amené. Comme d’habitude. Ils avaient l’air « heureux » ; tout du moins leur mine réjouie le laissait-elle paraître. Et nullement incommodés de ma présence, ni moi de la leur.

Elle me boudait. Il n’a rien dit. Moi non plus.

Le bon point, c’est qu’au moins comme cela il est acquis que le Merle est un lieu de trève.

Par contre, ça m’a fatigué.

En rentrant (plus tôt que d’habitude, c’est-à-dire avant la fermeture), m’est venue une image. Celle du mécanisme d’énergie du personnage de Diablo. Il y a une boule rouge, pour l’énergie vitale, dont le niveau de remplissage représente le capital d’énergie pour le métabolisme, utilisée dans les actions physiques. Il y a aussi une boule bleue, dont le niveau de remplissage représente le capital de « mana, » c’est-à-dire l’énergie psychique, utilisée par la magie.

Quand la boule bleue est vide, la magie devient impossible. Quand la boule rouge est vide, le personnage meurt.

Elles se vident vite dans l’action, et lentement au repos. On peut les remplir plus vite avec des potions adéquates, mais rares.

Je suis arrivé au Merle avec plein d’énergie. Normal : avec deux semaines de repos, j’étais en forme.

L’effort physique faisait régulièrement baisser mon capital énergétique physique. Par ailleurs, sous le coup de l’interdiction sanitaire de mon opération buccale, l’alcool m’est encore interdit, m’empêchant d’augmenter artificiellement mon énergie physique, ou du moins d’ignorer son manque.

Mon capital énergétique mental, lui, qui me maintient de bonne humeur et social, se portait bien jusqu’à l’arrivée de l’intéressé sus-mentionné. Résister à la tentation d’aller lui parler, d’entamer une nouvelle procédure d’approche, a consommé mon « énergie bleue. » Lentement, mais sûrement.

Je suis parti quand mon « énergie rouge » était suffisamment basse pour justifier d’aller dormir pour éviter que la journée du mardi soit trop difficile. Mais il ne restait pas beaucoup de bleu non plus.

La nuit a été réparatrice, comme d’habitude.

Mais je commence à avoir peur du Merle.

J’hésite à y retourner seul.