Essai. Transformation ?

Hier soir comme prévu, je suis sorti du bureau à une heure raisonnable et je me suis dirigé vers le point de rendez-vous bis (« demain, même heure, même endroit, même conditions ») calme et de bonne humeur.

Il y avait de quoi ! J’avais reçu dans la journée la validation de fin de mes études à l’EPITA, ce qui fait de moi officiellement un « ingénieur » (pour autant que ce terme signifie quelque chose pour l’EPITA, mais bon quand même). Soulagement et satisfaction pour l’ego.

Après quelques détours, nous nous sommes retrouvés, et dirigés vers le restaurant japonais de l’avenue d’Italie sur lequel j’avais des vues. Raté, il était fermé. D’où bus et marche pour aller plus loin dans le XIIIe arrondissement.

D’où occasions d’essayer d’entamer une conversation.

Ce fut un challenge : après avoir promptement fait le tour des événements de la journée, sujet fondamentalement neutre, il fallait trouver quelque chose.

À situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles.

J’ai parlé de moi. À mots découverts.

Pour la première fois depuis (au moins !) douze ans.

Ça fait bizarre, c’est comme relancer une mécanique dont les rouages sont pris par la rouille : le début cafouille, grince, bloque, et puis après un ou deux tours de force ça commence à tourner, au début avec un peu de résistance puis… le naturel aidant de plus en plus facilement.

De mon point de vue, j’ai trop parlé. Mais… du sien, à la fin du repas, c’était « bien et intéressant ! » J’étais ravi que pour la première fois il émette un avis personnel sur un sujet non consensuel ni polémique.

De fil en aiguille, il y eut conversation. Je ne me souviens pas bien des détails d’une partie de la soirée, car le mélange d’alcools et l’euphorie aidant, ma mémoire était temporairement déconnectée. Je me rappelle par contre bien le passage chez lui (pour récupérer des affaires, en vue d’une visite conséquente au Merle) où nous avons retrouvé sa dame, et bu un apéro appuyé par une conversation mondaine civile et courtoise sur la vie l’univers et surtout… nous.

L’ambiance au Merle, par contre, était décevante. Finalement, le mercredi soir n’est pas non plus un bon soir pour la musique. Je n’accrochais pas, elle et lui s’ennuyaient. Il y eu vite fuite pour aller ailleurs, après un petit lavage du métabolisme et de la conscience par une grande menthe à l’eau. La raccompagner chez elle, d’abord, puis aller chez lui, ensuite, puisqu’il m’avait offert son hospitalité en vertu de mon statut de SDF (hélas, je n’ai pas encore de quoi « vivre » confortablement dans mon nouvel appartement).

J’ai encore parlé. Raconté des choses que je n’avais jamais encore racontées, et il a écouté avec attention, et dit-il avec intérêt. Lui s’est aussi exprimé, à ma grande et agréable surprise, mais sobrement, comme d’habitude.

[…]

Ce matin, à son réveil, je n’étais pas encore endormi. En d’autres termes, je n’ai pas dormi la nuit dernière. D’où mon état de fatigue générale aujourd’hui, d’ailleurs, mais fi ! on n’a qu’une vie.

À défaut de mots, je ne sais pas à quoi m’en tenir désormais.

Fatigue et incertitude, les deux facteurs de mal-être. Ce soir, je dors.

Mais quand je sens son odeur sur mes mains, je sais aussi que je veux le revoir.