Mais la vie continue…

En fait, je ne saurais dire si le week-end a été désespéremment désespérant ou exceptionnellement magnifique.

Pour faire court, je me suis transformé en troll asocial pendant vingt-huit heures d’affilée. En d’autres termes, je suis sorti du lit samedi matin vers dix heures, j’ai préparé mon poste de travail, et je suis resté assis devant l’ordinateur tout le week-end, avec à portée de main mon clavier, un énorme pot de nutella et mon baladeur audio numérique qui passait en boucle le même album. Vers la fin, j’ai complété mon menu alimentaire avec un peu de corn flakes, pour lui donner de la consistance, mais c’est tout.

Mais pourquoi faire ? Pour (re)faire le travail que j’avais à faire depuis deux mois. “refaire”, parce que mine de rien je n’avais pas rien fait avant. “faire”, parce que c’était tellement mauvais qu’il m’a fallu (presque) tout recommencer.

Et ce fut une grande leçon, ce week-end qu’on peut qualifier d’horrible selon moults critères sociaux ! Une leçon de confiance en soi, d’abord. J’avais une deadline, incontournable cette fois, pour aujourd’hui, incontournable par le nombre de personnes impliquées dans les conséquences de mon travail (11 connues, sans doute plus). Et une tâche précise à réaliser. Depuis deux mois, cette même tâche me hante, et je n’ai jamais le courage de m’y mettre, faute d’intérêt dans la cause, à cause même d’un certain dégoût, voire un dégoût certain, pour les outils qu’elle me fait manipuler. D’elle dépend mon avenir professionnel à court terme, parce que mine de rien Kemel compte sur l’appréciation des gens avec qui je travaille pour se faire une opinion de ce que je fais, faute d’être capable d’en juger directement. Et pourtant jusqu’alors je ne pouvais me résoudre à sortir de la médiocrité…

Bref, j’avais une grande chose à faire, avec très peu (dramatiquement trop peu) d’idée de comment la faire, et donc aucune idée du temps que cela prendrait. Ayant prévisiblement échoué à m’investir dans la question pendant les vacances de Noël, il ne me restait qu’une alternative: ou bien abandonner et tenter de me faire oublier du mieux possible, ou bien… sortir une baguette magique que je n’ai pas utilisé depuis plus de trois ans maintenant, et que j’ai redédouverte avec un ravissement qui me plonge maintenant dans une joie difficilement dissimulable, raison pour laquelle on peut, finalement traiter le week-end d‘“excellement magnifique”.

En quoi consiste cette baguette magique ? C’est le mélange de ce que les gens communs appellent l’intuition, l’auto-suggestion et la volonté.

L’auto-suggestion, d’abord, celle qui consiste à se forcer de s’isoler et de faire ce qu’il faut avec son corps pour provoquer un état de transe intellectuelle dûe à un réflexe de survie. C’est facile: ne pas manger - à part du glucose pour l’activité intellectuelle -, minimiser les perceptions en n’utilisant qu’un goût, une semi-obscurité qui force l’oeil à ne voir que l’écran par contraste, la même musique en boucle qui devient un fond sonore imperceptible par habitude, une chaise protégée par une simple couverture pour donner au corps une seule sorte de contact et une seule température - la sienne; tout cela, en inhibant psychologiquement les réflexes de repos, de distraction, etc, tous ceux qui ont pour but de soulager le corps et l’esprit du stress.

La volonté, celle de faire tenir cette situation pendant le nombre d’heures nécessaire à l’accomplissement de la tâche.

L’intuition, enfin, celle qui consiste à choisir sans trop raisonner les moyens d’accomplir la tâche, sans utiliser autre chose qu’une “impression de plus court chemin” pour implémenter les idées. Cela fait faire des choses originales, dont je suis un peu fier mais que mon NDA ne me permet pas d’expliquer en détail, malheureusement, mais aussi et surtout, ce que j’aurais profondément redouté et par là-même me serais interdit de faire en temps normal, beaucoup de goritudes techniques pour lesquelles je dégage toute responsabilité dans l’avenir.

Le plus incroyable, dans l’histoire ? ça marche ! Cette méthode, que j’utilisais du temps des classes préparatoires pour résoudre dans la nuit de la veille du rendu les devoirs de Mathématiques données deux semaines plus tôt, fonctionne encore, et de fait me rassure. Alors que j’ai passé les deux dernières années à me dégager de toutes contraintes d’emploi du temps de travail, à repousser les deadlines autant que faire se peut et déléguer le travail quand ce n’est pas possible d’en diminuer les exigences, j’eûs pu craindre d’être devenu un tire-au-flanc peux recommandable… Mais non. Ouf !

C’est ainsi que dimanche après-midi, seize heures, je me suis estimé satisfait, et la vie a repris son cours normal.

Par contre, évidemment je suis très peu satisfait d’avoir eu à me mettre dans cette situation. C’est quand même très hontable, il faut le reconnaître, et j’espère à l’avenir pouvoir prévoir et faire les choses de manière plus “douce”. M’enfin…