Instinct primordial

Chaque être humain devrait dans sa vie subir régulièrement une expérience qui sollicite ses réflexes primordiaux, ceux qui sont ancrés dans ses gènes depuis plusieurs milliers de différenciations d’espèces, et qui dans les circonstances ad hoc traversent les âges et le contrôle de la conscience pour venir s’exprimer comme un cri de sauvagerie animale.

Et non, je ne fais pas cette fois allusion au coït.

Cette nuit, je me suis remémoré une haine animale. La Haine inter-espèces, celle que se vouent deux prédateurs mutuels systématiquement et inconditionnellement.

Le premier signe, c’est le réveil brutal, au milieu de la nuit, sans raison, et où le passage du sommeil à l’état d’éveil complet est instantané. Mon corps était tétanisé, tous mes sens exacerbés, et je savais « dans mes tripes » qu’il y avait quelque chose d’horriblement mauvais dans ma chambre, alors qu’aucun bruit ni aucune odeur particuliers n’étaient perceptibles. Même mon chat ne semblait pas particulièrement attentif, en train de dormir sur un coin du lit.

C’est en me rendant compte que mon esprit / ma conscience n’étaient pas totalement réveillés alors que tout mon corps était entièrement prêt « à l’emploi » (je manque de mots pour décrire cet état) que j’ai compris que mes gênes étaient en action à l’insu de mon plein gré pour me défendre d’un ennemi encore invisible.

Et c’est là que je l’ai entendu. Il était tout proche, et je n’arrivais pas à le distinguer dans l’obscurité. Pourtant, tous les poils de mon corps se sont dressés instantanément, ma peau s’est tendue et tous mes muscles se sont crispés.

Je savais que je n’avais aucune chance dans l’obscurité, et que le vaincre nécessitait une présence d’esprit en plus de celle du corps, et mon esprit n’était pas encore totalement réveillé. Comme Il était seul, j’ai choisi la fuite. Je me suis recroquevillé sous ma couette, laissant dépasser uniquement mon nez pour pouvoir respirer.

Et j’ai attendu.

Évidemment, je n’ai pas pu dormir. Mon corps était beaucoup trop tendu pour ça.

Je L‘ai entendu plusieurs fois s’approcher, et à chaque fois mon appréhension a augmenté d’un cran.

J’ai tenté de m’enfermer entièrement dans ma couette pour me calmer, mais à chaque fois le manque d’air frais m’obligeait à en émerger à nouveau.

Au bout de ce qu’il m’a semblé une éternité, me sentant assez intellectuellement réveillé j’ai décidé de combattre. J’ai allumé la lumière, je me suis recouché, la tête entièrement sortie et mon attention entièrement concentrée sur mon ouïe. Car c’est le seul organe qui me permette de localiser cet ennemi presque invisible.

J’ai attendu, encore.

Alors que dehors la nuit commençait à s’éclaircir, je l’ai entendu à nouveau. Je visualisais totalement dans mon esprit Sa position dans l’espace, et ma Haine à son endroit augmentait d’instant en instant.

Et son bruit s’est arrêté. Il était tout proche de ma tête. Je me suis lentement retourné, pour cadrer ma vue avec l’image que je m’étais construite de sa position. Et mon poing est allé s’écraser là où ma vue a guidé ma main.

Je n’ai pas hésité un instant.

Et je n’ai jamais aussi bien dormi de ma vie que pendant les deux heures qui ont suivi cet exploit et précédé la sonnerie de mon réveil.

Ce soir, je devrai nettoyer la tache de sang sur mon mur blanc.