Contraste

Tout à l’heure, avant de regagner un endroit calme et frais pour regarder les trois épisodes de “Lost” à la télévision, je suis allé visiter une ancienne connaissance qui m’avait proposé quelques instants auparavant un moment de détente. En tout bien tout honneur.

Le trajet qui m’y amenait m’a fait passer par Ivry. Et ses wesh wesh cousins de l’après-midi.

Entre autres individus déambulant dans la rue, je dus traverser un groupe de natifs du coin en train de marmonner des grivoiseries concernant leurs dernières conquêtes. La moyenne d’âge du groupe était d’environ dix-neuf ans et soixante-cinq kilos, compte tenu de la masse de l’un des cinq qui devait dépasser quatre-vingt kilos.

Je m’approchais du groupe (nous étions sur le même trottoir) quand leur conversation s’arrêta. Ils se séparaient : trois d’entre eux partaient dans ma direction et les deux autres se préparaient à partir dans l’autre.

Je croisai la première partie du groupe en me délectant intérieurement de la sculpture du torse découvert d’un des individus. Il avait la peau très claire, une musculature presque dessinée mais encore souple, des tétons minuscules mais fermes. Parfaitement galbe, avec de minuscules perles de sueur entre les deux seins. Environ dix-sept ou dix-neuf ans, un peu plus petit que moi, en somme beaucoup plus jeune d’apparence mais déjà délicieux à regarder ! Tellement prenant d’ailleurs, que je ne prêtai aucune attention à son visage et remarquai à peine que son bas était recouvert d’un survêtement adidas bleu layette et d’une paire de chaussures Nike, comme je m’y attendais.

La deuxième partie du groupe était encore arrêtée quand je la traversai. Après m’avoir toisé deux secondes, ils commencèrent à rire bêtement, d’un rire que je connaissais par cœur pour l’avoir déjà entendu très souvent : ma manière de déambuler, mes vêtements, ma stature et mes lunettes de soleil n’étaient pas assortis selon leurs critères, et ils s’en gaussaient en me le faisant remarquer bruyamment, avec ces gloussements qui signifient en filigrane qu’ils ne me jugeaient pas en pouvoir de leur répondre ou de réagir.

En d’autres circonstances, j’eusse été fort marri de cette réaction, d’autant plus que c’est typiquement le genre de situation qui me rappelle de très mauvais souvenirs.

Mais là, c’était plus fort que moi : je jubilai intérieurement, en songeant au contraste qu’il y avait entre la vanité de leur existence, leur sentiment de supériorité, et le plaisir que je soutirai à leur insu de la dissection visuelle du corps de l’un d’entre eux, les situations sexuelles que cela m’incitait à imaginer, et surtout la perspective de la séance de jambes en l’air qui allait suivre moins de deux minutes plus tard, alors qu’eux en restaient à fantasmer sur des conquêtes fictives.