Au four, les imbéciles !
Ce matin, on oriente mon attention vers un strip dessiné . En gros, c’est un dialogue entre un inquisiteur et « un patron, » dialogue qui veut mettre en exergue le fait que le patron ne sert à rien, puisque ses revenus sont le fruit du travail de ses employés, qui existe indépendemment de sa volonté.
Ce genre de choses m’irrite le for intérieur.
À ceux qui voient dans ce genre d’expression la preuve latente qu’un système hiérarchique est uniquement l’expression d’un esclavage de l’homme par l’homme, j’aimerais dire : supposons un instant qu’il n’y aie pas de patrons. Pour de vrai. Sans tenir compte de l’histoire passée. Que se passerait-il ?
Est-ce que l’humain moyen livré à lui-même est assez autonome et altruiste pour travailler à produire plus que son strict minimum personnel ? Je ne crois pas. Qui s’occuperait alors de produire pour les invalides, les orphelins, les régions sans ressources naturelles ?
Est-ce que l’humain moyen livré à lui-même est assez autonome et intelligent pour structurer son travail lui-même, surtout dans les activités de pointe ? Je ne crois pas. Qui construirait les trains ? Les moteurs électriques ? Les centrales hydroélectriques ? Parce qu’une bande d’humain douée en mécanique peut refaire un moteur à explosion au pétrole, mais je ne crois pas que celui qui tend vers le communisme appliqué soit prêt à revenir en arrière au niveau de l’écologie. Et peu feraient le choix anti-progressiste des Amish.
On me suggère la co-gestion, la coordination partagée, la direction des travaux à tour de rôle… Sur une équipe de N personnes, est-ce que chacune de ces N personnes est capable de coordonner le travail des N-1 autres ? Non. Il faudrait faire des sous-parties, pour simplifier le travail des coordinateurs. Et les coordinateurs devraient alors se coordoner entre eux. Et alors on aurait à nouveau une structure hiérarchique, en revenant au point de départ.
Ah, on me signale que le strip sus-cité n’invite peut-être pas à la suppression des patrons, mais plutôt à leur prise de consciente qu’ils sont soumis à leurs employés, et non l’inverse. Soit. Supposons un instant alors qu’un employé Lambda remplace son patron, à partir d’un certain moment. Que se passerait-il ? Mon avis est qu’au bout d’un certain laps de temps, ses intérêts personnels prendraient le dessus…
Ouvrez les yeux, bordel ! L’espèce humaine n’est pas assez évoluée pour le travail non-encadré, ni assez évoluée pour encadrer correctement le travail. L’égoïsme, le fainéantisme, la malhonnêteté naturels perturbent tous les systèmes de production en groupe. Et les tentatives de rectifier le tir par l’instauration de polices de contrôle et de coordinateurs aboutissent aux horreurs de l’histoire passée, qu’on connaît désormais.
Je crois qu’il n’y a pas de solution miracle, à moins de se résigner à se faire coordonner par des entités externes (machines intelligentes, coordinateurs arrivés ex nihilo, que sais-je ?), dont les humains soient convaincus qu’elles agissent en tous points dans l’intérêt de chacun (pas de tous — tout le monde s’en fout — mais bien de chacun, c’est ce qui compte).
Le reste, c’est voué à l’insatisfaction. Quoi qu’on fasse, il y a des problèmes, et il faut apprendre à vivre avec, plutôt que de vouloir démolir les systèmes établis.
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