Imprévision
Je suis allé à Paris pour chercher mon chat.
Évidemment rien ne s’est passé comme prévu. Enfin presque si: mon chat est bien revenu avec moi à Rotterdam. Mais pour le reste…
Si j’avais été sérieux et que je n’avais pas écourté ma journée de travail vendredi, je n’aurai pas fêté deux anniversaire dans la nuit. Deux anniversaires dans une fête plutôt réussie, même si j’en suis parti un peu frustré.
Si j’avais été délicat envers mon chat, je l’aurais ramené samedi après-midi pour pouvoir passer la journée de dimanche avec lui, et je n’aurais pas modifié mon billet de train pour pouvoir assister au repas d’anniversaire du Tatou le samedi soir.
Si j’avais été paresseux, j’aurais fait la sieste samedi après-midi plutôt que d’accepter l’invitation d’un gen bien à le revoir, invitation que j’étendis aussitôt pour inclure deux autres gens bien avec lesquels nous sommes tous ensemble allés au Paradis du Fruit.
Si j’avais été avare, je ne serais pas entré dans une boutique de jouets de l’Unicef après avoir repéré un volatile exotique absolument ridicule, et je n’aurais jamais eu l’idée que d’offrir une peluche de collection au Tatou pourrait peut-être lui faire plaisir.
Si j’avais été raisonnable, j’aurais dormi samedi soir pour me remettre de mes émotions du vendredi et je n’aurai pas passé la soirée de samedi à Villa Keops en compagnie de neufs gens bien (en tout cas le paraissent-ils au terme de ce premier contact), je n’aurais pas dépassé ma dose habituelle d’alcool, et je n’aurais pas pu goûter le délicieux Gewurztraminer qui a accompagné notre repas.
Indirectement, si j’avais été raisonnable, je n’aurais donc pas été suffisamment saoûl pour céder aux perspectives de débauche proposées par mon hôte et ses deux compères.
Et si j’avais été prude, je ne serais jamais entré dans ce lieu d’eau fréquenté par des litres de matière chaude (je parle de l’eau bien entendu bien que l’autre matière chaude aurait pu se mesurer en litres aussi) et les innombrables corps nus que mon esprit distrait par la dose d’alcool n’a fait que percevoir sans prendre le temps de les observer en détail. De plus, j’étais occupé avec mes coreligionnaires et leurs attributs, pour ne pas dire comment ils se sont occupés de moi et de mon cul.
Et si je n’avais pas été finalement obligé de rentrer à Rotterdam en fin de compte, je ne me serais pas pointé en ville hier après-midi, avec autant de courbatures qu’après une journée de sport, en tenue légère (il fait chaud à Paris), sous la pluie, à attendre vingt minutes mon tram en espérant que mon chat ne me tiendrait pas trop rigueur pour les misères que je lui faisais subir. Et je n’aurais pas ainsi attrapé un rhume.
Il faut vivre dangeureusement.