Surprise !
Ce matin, je me suis réveillé tôt.
Dans l’absolu, ce n’est pas très gênant ; après tout, des horaires de travail réguliers et un quotidien sans débauche depuis quelques mois déjà ne pouvaient que fixer mon rythme de sommeil.
D’un autre côté, j’aime dormir. J’aime la sensation de confort procurée par le lit chaud le matin de week-end et l’absence d’obligation de se lever. J’aime paresser en m’imaginant que je suis en sécurité, et que je peux bénéficier de cette sécurité pendant plusieurs heures. C’est l’occasion de me laisser aller aux rêves lucides, de laisser libre cours à mon imagination, etc.
Et là, pas moyen. Je ne me sentais pas bien dans mon lit.
Et ça, c’est gênant. Ça peut vouloir dire que je suis en train de changer.
Cela dit, ça peut être aussi plein d’autres choses. L’excitation anticipée de la nuit prochaine à Utrecht, par exemple. Quoique… Pour en profiter au mieux, il aurait fallu que je dorme beaucoup aujourd’hui, afin de ne pas tomber mort de fatigue vers deux heures du matin.
Ça peut être aussi l’excitation de la découverte de mon nouveau territoire de vie. J’ai plein de choses à voir en ville, et le plus tôt sera le mieux.
En plus, je m’étais fixé comme objectif ce matin de parvenir à laver mon linge, ce qui représente toute une aventure : trouver une machine à laver le linge, aller acheter de la lessive, comprendre le fonctionnement de la machine (différente de mes habitudes précédentes), et trouver un étendage à linge. Ce dernier point est le plus préoccupant : je n’ai absolument aucune idée de où chercher. Cette aventure, somme toute mineure, m’a longtemps fait réfléchir hier soir avant de dormir, et ça pourrait aussi être la cause de ma frénésie matinale.
Bref. Maintenant, je suis levé, lavé, habillé et repu. La suite.
Après avoir trouvé la machine à laver le linge, ma lessive et mis en marche le programme de lavage, j’ai eu droit à ma première découverte-surprise.
Contexte : en fait, mon logement actuel est un studio qui fait partie d’un organisme appelé pension, qui consiste en la location par un particulier (en l’occurence, un honorable monsieur et sa femme) de logements indépendants au sein d’un immeuble dont il est propriétaire et dont il entretient les parties communes.
Entre autres services des parties communes gérées par le propriétaire, il y a une machine à laver au sous-sol. Afin de s’en servir, il suffit d’aller demander au propriétaire une clef qui ouvre la porte du local où est enfermé l’appareil et payer deux euros pour contribuer à son entretien et au coût de l’eau. Ce que je fis.
J’avais déjà visité le niveau inférieur de l’immeuble où se trouve mon studio. Je savais déjà d’après le site web de la pension que les logements dans l’immeuble étaient très hétérogènes, allant de la simple chambre à l’appartement deux pièces. Je n’avais donc pas été étonné de découvrir au sous-sol une immense cuisine commune donnant sur le jardin, cuisine réservée aux habitants ne disposants pas de cette pièce dans leur logement. J’avais même considéré l’éventualité de m’en servir moi-même, la kitchenette de mon studio n’étant notamment pas munie d’un four ni de grandes casseroles.
Muni de la clef devant donner accès à la machine à laver, je m’attendais à découvrir une pièce commune du même genre que la cuisine.
En fait, non.
La porte sans poignée donne accès à un débarras nauséabond, dans lequel sont entreposés divers rebuts inutilisables, allant de morceaux de métal déformé et rouillé à des meubles en bois pourris par l’humidité. La poussière et le ciment en recouvrent presque toutes les parois, et les fils électriques non gainés s’enroulent dangereusement autour des canalisations anciennes et suintantes.
Et la machine à laver trône sur une table en bois qui plie sous son poids, et j’ai immédiatement subi un frisson d’effroi en pensant à la chaudière de la maison hantée de Shining.
Non que j’aie quoi que ce soit à en dire : elle semble bien entretenue et fonctionner correctement, et l’histoire s’arrêterait là si ce débarras n’avait pour seule raison d’être que d’abriter un appareil qui n’a rien à se reprocher.
Le hic, c’est que ce n’est pas tout. Derrière la machine à laver, il y a une petite porte. Voulant vérifier que cette porte était bien verrouillée ou ne donnait pas vers l’extérieur (je tiens à mon linge, tout de même), j’ai tenté de l’ouvrir, juste pour voir.
Elle s’est ouverte.
Et là, c’est le drame. L’obscurité, puis une odeur encore plus nauséabonde m’ont physiquement agressé, et cette fois j’ai pensé aux égouts de Ça (toujours du même auteur).
Et il y avait quelqu’un.
Une radio en marche m’a révélé ce qu’un ronflement a confirmé un instant plus tard : quelqu’un habite derrière la machine à laver, dans un cagibi, à la cave.
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