Le chemin le plus court est encore la ligne droite
Je suis allongé sur deux matelas et mon chat ronronne. Il est content : je viens de rentrer.
J’aurais pu rentrer plus tôt : il aurait suffi que je ne rate pas deux gares de train de banlieue de suite en jouant avec mon téléphone. Et que je n’aie pas pris le dernier train de la nuit.
Quand je sortis du train, je savais très exactement où j’étais, et je savais aussi très exactement qu’à ce moment-là, je ne pouvais compter que sur moi pour transformer la situation. Sachant que la gare où je descendis est située dans un bled paumé sans aucune activité nocturne, plusieurs possibilités étaient disponibles, que j’évaluai dans cet ordre :
- demander à quelqu’un de me déplacer jusqu’à là où j’aurais du être : il n’y avait personne. Par ailleurs, les gens que j’aurais pu appeler dormaient, et je ne voulais les solliciter qu’en dernière mesure ;
- m’allonger sur un banc dans la gare en attendant le premier train du matin dans l’autre sens. Trop inconfortable ;
- rechercher et trouver un coin proche de la gare où je pourrais passer la nuit confortablement : buisson, voie de garage, hall d’immeuble… Trop compliqué. En plus, j’aurais pu avoir à rendre des comptes aux passants le lendemain.
- me déplacer jusqu’à une voie routière pour demander à un automobiliste volontaire de me transporter. Trop incertain : je ne connaissais pas les routes proches de cette gare, ni leur direction, ni leur taux de fréquentation.
- effectuer le trajet souhaité moi-même, avec la seule aide de mes pattes. Tentant : j’était vêtu confortablement, avec seulement un sac à dos à porter, et des chaussures confortables et solides aux pieds. En plus, je n’étais pas fatigué, et de particulièrement bonne humeur à cause de l’excellente soirée passée avec une gen bien .
J’optai donc pour cette solution.
Et ce fut d’autant plus facile à décider que j’étais dans une gare, à deux gares de ma destination. Plutôt que de sortir de la gare et me guider par les routes, je pris le chemin le plus court : le long de la voie ferrée, dans le sens inverse du train qui m’y avait amené.
C’était ma première fois, de nuit. La dernière fois que je longeai une voie ferrée, c’était dans un coin de Paris pour retrouver un passage secret, de jour, et j’avais un guide. Là, il faisait obscur, je n’avais jamais emprunté cette voie ferré auparavant, même en train, et la zone était très peu urbanisée.
Et ça s’est très bien passé. Sur ce trajet, les voies ferrées sont en bon état. Une allée piétonne de maintenance suit la voie sur tout le trajet. La végétation est entretenue, taillée : même les buissons les plus désagréables ne gênaient pas le passage. Au cours des quelques kilomètres où l’allée était réduite, je marchai entre les rails, où le ballast était régulièrement disposé et donc praticable confortablement à pied.
Ainsi ai-je marché environ sept ou huit kilomètres en trois quarts d’heure. Je suis plutôt content de moi.
Et enfin allongé sur ce qui ressemble à un lit, je me rends compte que j’ai adoré cette expérience, et que c’est vraiment une chance qu’elle aie eu lieu la nuit : la nuit efface les défauts, je n’ai pas pu voir les détritus jetés le long de la voie, tout est calme, et du coup la promenade était très agréable.
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