Décompte
Qu’est-ce qu’il fait chaud !
Presque tout est prêt. J’ai mon billet, mes vêtements, une trousse, le calendrier des épreuves, un plan, une réservation à l’hôtel. Il ne manque plus que je connaisse mes cours. Mais c’est en bonne voie.
La semaine a été éprouvante. Très occupée, pour être exact, moi debout chaque jour pendant au moins sept heures, à expliquer des choses à des gens. Mais cela a porté ses fruits. Alors que je ne développai aucun rapport particulier avec mon auditoire, il semblerait que lui m’ait particulièrement apprécié, au point de me remercier chaleureusement à la fin de la session et de féliciter le responsable de formation de m’avoir choisi.
J’en étais tellement fier qu’en partant, juste après avoir fait mes ablutions dans le lavabo du coin et détaché la section inférieure (amovible) de mon pantalon pour aérer mes jambes, je fus pris d’une érection subite que je me hâtai d’honorer.
Hier soir, j’ai pris le temps (avec un esprit clair et détendu, la patience est prête à tout) d’imprimer en petit format transportable l’intégralité de mes cours. Je tiens pour l’occasion à féliciter CocoaBooklet et Ghostscript, le premier pour permettre cette impression réduite qui rentabilise au maximum la consommation de papier et le second pour forcer un fichier PDF qu’un professeur mien avait (honni soit-il pour cela) verrouillé contre les modifications.
Rentré tard, je m’endormis vite, malgré la chaleur qui un autre jour m’aurait fait passer une très mauvaise nuit.
Ce matin, c’est le soleil qui m’a chassé du lit. Je déteste le soleil. Surtout le matin au réveil. (Qu’est-ce que c’était bien, la Suède, pour ça !)
Mais avant de me réveiller, j’avais rêvé. Pas juste avant de me réveiller, en fait. Le rêve est apparu plus tôt dans la nuit, et il était tellement fort qu’il m’avait sorti légèrement du sommeil, suffisamment pour que je m’en rappelle au matin.
Dans ce rêve, un ami de longue date (qu’il faudra d’ailleurs que je rappelle, à l’occasion, quel dommage que j’aie oublié mon téléphone portable aujourd’hui parce que sinon je l’aurais bien fait maintenant tout de suite) purement hétéro et assez souvent beauf dans sa manière de s’exprimer me surprenais dans mon sommeil (sommeil dans le rêve, hein) en venant me recouvrir de son corps nu, poilu comme il faut (fantasme, fantasme), me recouvrant de baisers, dans une attitude générale démontrant qu’il se laissait là aller à une pulsion à laquelle il avait bien trop longtemps résisté. Et tandis que ma sollicitude reprenait le dessus sur mon sommeil pour aller soulager le jouvenceau, lui ne pouvant plus se retenir m’aspergea d’une longue et puissante salve de son fluide corporel.
Le souvenir est très clair : c’était la sienne (de semence), et pas la mienne, et je n’avais pas dans ce rêve eu le temps après mon réveil d’être suffisamment excité pour bander. La question se pose donc : quel phénomène externe à mon sommeil a provoqué cette mise en scène et cette sensation très claire d’aspersion ? Je n’étais pas mouillé ce matin au réveil, et les fenêtres étaient toujours fermées : il ne s’agissait donc pas (hélas) d’un visiteur nocturne qui se serait perdu sur les toits cette nuit. À investiguer, donc.
Et donc, peu après le sortir du lit sous le soleil, le souvenir de ce rêve m’empreignit, moi et l’organe le plus directement concerné, et je me vis donc dans l’obligation d’à nouveau faire honneur à une raideur que je n’attendais pas.
Quelle agréable façon de commencer une journée !
Je me précipitai ensuite sous l’eau pour échapper à la chaleur (et la crasse), et sur mon petit-déjeuner pour échapper à la faim et la soif. Un bon samedi s’annonçait.
Il était déjà tard quand je me rendis compte qu’il serait de bon ton de me déplacer jusqu’à la connexion à l’Internet la plus proche pour suivre mon cours de néerlandais en ligne.
Pendant le trajet, je réfléchissais, sur le son de Voices of Summer 2003 (Sunlight). Et tandis que j’attendais le passage de DJ Sammy (Sunlight, Pulser remix), me vint une pensée-surprise : mes cours d’université et mes cours de néerlandais sont probablement les meilleures choses qui me soient arrivées, intellectuellement parlant, depuis que je quittai mon “ancienne école”:/epita/EPITA.
Grâce à eux, je ne m’ennuie plus. Je n’ai pas l’impression d’avancer dans le vide, dans le flou. J’ai des choses à raconter qui m’intéressent, que je trouve bonnes et utiles. Je redécouvre le plaisir de lire, désormais en regardant le mode d’expression du texte en plus du message véhiculé.
Et considérant moi-même que j’y travaille régulièrement, n’ayant pour cela de comptes à rendre qu’à moi-même, je n’ai jamais en y pensant aucune crise d’anxiété sur ma productivité.
Bref, penser à mes cours après une semaine en tant que formateur, c’est bon pour moi.
Si ça me permettait en plus de gagner ma vie, ce serait mieux, mais ça fait longtemps que je n’ai plus d’illusions sur l’équation travail-plaisir-santé. …soupir…
La semaine prochaine sera intense. Je sais déjà que je me décevrai moi-même à chaque épreuve, constatant à chaque tranche de deux heures que je surestimais mes capacités de réussite. Mais finalement, puisque je ne me suis engagé à rien, je pense que je saurai m’en remettre. Il suffira d’une petite fête ad hoc avec champagne et bonne chère en fin de semaine prochaine pour me remettre d’aplomb.
Sur un autre plan, le cours de néerlandais m’a permis de matérialiser assez concrètement certaines de mes perspectives d’avenir. J’y pense désormais plusieurs fois par jour, et bientôt viendra le jour où je commencerai à chercher activement un travail rémunéré dans un autre pays, probablement les Pays-Bas. Et ce « bientôt » n’est plus indéterminé : ce sera lorsque je saurai lire et répondre aux petites annonces dans la langue où elles sont exprimées.
À bien y réfléchir, cette détermination n’est pas catégorique : les Pays-Bas sont une destination facile pour mon imagination, car bien idéalisée, mais je n’en fait pas l’exclusivité de mes destinations possibles. À vrai dire, une opportunité se présenterait sans que je l’aie provoquée, je la saisirais, dussé-je m’expatrier ailleurs dans le monde. Sauf à quelques endroits : en-dessous de la latitude 47°, il fait trop chaud, dans le climat ou le sang des gens (sauf de l’autre côté de l’équateur, où la condition est inversée). Dès que l’anglais est la langue officielle, ça ne convient pas non plus : trop visqueux, trop mou. Dès que le gouvernement est soumis à une religion, ça ne va pas non plus : trop oppressant. Dès que les gens sont torturés ou tués impunément lorsqu’ils ne plaisent pas à d’autres, ça ne va pas non plus : trop dangereux. Lorsque les télécommunications ne sont pas en assez bon état pour satisfaire ma curiosité quand je le veux, où je le veux, c’est trop frustrant. Dès que toute l’économie repose sur une ressource à la stabilité incertaine où qui mériterait d’être éliminée, je trouve ça écœurant. Et lorsqu’une population se force à de changer sa manière de s’organiser, quitte à créer un gouffre en guise de fracture sociale, pour mieux s’intégrer dans le capitalisme mondial, je trouve ça idiot.
Qu’est-ce qu’il reste ?
Pour l’instant, je vois certains trous du cul du monde, le Japon et le nord de l’Europe. Sauf la Norvège, qui ne serait rien sans le pétrole.
Cet après-midi, alors que je regrettais amèrement de m’être connecté trop tard, après le départ de mon enseignante qui m’avait attendu pour rien, j’allai visiter un site déjà mentionné, avec dans l’idée que ça faisait longtemps que je ne l’avais pas visité et que mon humeur de la veille et du matin saurait l’apprécier. Cela n’a pas manqué : devant l’étendue des ressources disponibles, je m’épanchai une fois encore par le bas.
Qu’est-ce qu’il est bon pour la libido de se sentir bien dans ses pensées !