Il était temps
Quand en présence des gens qu’on fréquente depuis l’arrivée la conversation ne vient plus, quand on commence à se demander ce qu’on va bien pouvoir faire pour s’occuper, quand on commence à penser aux gens qu’on reverra après le retour, et quand le ciel s’assombrit pour annoncer le mauvais temps, c’est qu’il est temps de partir.
Demain matin, je prends l’avion (tôt, trop tôt, je déteste me lever aux aurores le samedi matin), et j’en suis content.
J’ai reçu mon premier sujet d’examen pour l’université hier, il ne faudra pas que j’oublie de répondre avant le mois prochain.
En fait, hier au cours d’une conversation avec des locaux j’ai beaucoup réfléchi. À regarder en arrière dans mon existence et dans celle des autres personnes ici, je me suis aperçu que ce n’était pas très compliqué de se donner des projets à long terme qui serviraient de toile de fond pour broder l’existence au jour le jour. Par exemple, avec l’idée à long terme d’émigrer (par exemple, héhéhé) aux Pays-Bas, je pourrais trouver là la motivation suffisante pour étudier sérieusement à l’université (pour me donner les moyens de trouver un travail là-bas), apprendre le néerlandais (préventivement) et passer mon permis de conduire (pour ne pas me retrouver dans une situation inconfortable comme celle que je subis depuis deux semaines). Etc, etc. Et puis, après tout, je suppose que ça ne doit pas faire de mal pour l’ego, au cours des relations sociales et/ou de séduction avec les gens bien, de prétendre avoir un objectif à moyen/long terme.
Évidemment, en parallèle je n’ai que trop conscience du fait que choisir un déplacement comme objectif risque de perdre son effet motivant le moment venu : en supposant que je réalise cette idée, se pose très vite la question de quoi faire après. Et je ne suis pas du tout fan du « on verra bien le moment venu. » Parce que même si c’est ce qui se passera, je ne vois pas pourquoi je devrais faire des efforts pour aller dans un autre endroit si au final je me retrouve dans la même situation qu’aujourd’hui, à attendre chaque moment pour choisir ce qui se passera le moment d’après.
En gros, il me faut des pressions externes pour me bouger, ou vu sous un autre angle des « opportunités à saisir » qui me paraîtraient suffisamment appétissantes ou des « désagréments » qui me paraîtraient suffisamment intolérables pour m’y soustraire. Grosso-modo, je pense que je n’hésiterais pas longtemps à me bouger le cul si (rêve, rêve) un gen délicat, sensible et sensuel me proposait un travail d’enseignant en langue française dans une école à Rotterdam ou Amsterdam, ou si à l’opposé (cauchemar, cauchemar) d’un jour au lendemain tout ou partie des valeurs éthiques en lesquelles je crois devenaient criminelles ou simplement dénigrées dans mon environnement actuel et que de fait je dusse ou me défendre ou m’exiler.
Sans aller jusqu’à tout ça, il est dorénavant clair qu’un des poisons de mon existence en ce moment est mon manque de fierté pour mes activités au quotidien, à tel point que j’ai presque honte d’en parler à cause de l’indifférence augmentée d’un léger mépris que je ne manquerais pas de faire subir à quiconque viendrait vers moi en signalant une activité similaire.
Même si je trouve pathétique et ridicule d’en arriver à une conclusion aussi simple, banale et consensuelles, je pense que je ne suis pas assez épanoui et qu’il faut que j’y remédie.
Et sinon (rien à voir), j’aimerais bien aller voir le film Dr Kinsey quand je rentrerai.