Petites considérations
Aujourd’hui, j’ai fait du tourisme.
Initialement partis visiter la Samaritaine et le Bon Marché à la recherche d’un manteau long, ma maman et moi, nous avons passé des bons moments dans un détour par les petites rues du sixième arrondissement et une heure dans le musée Georges Pompidou. Pour finir, j’ai fait quelques emplettes à la Cave Elzévir, puis je suis allé donné à manger à un chat bien de gens bien.
Avant de repartir manger avec un autre gen bien, j’ai été préoccupé par une idée saugrenue. En fait, mon mécanisme de réflexion s’est mis en marche lorsque, pour s’extraire du métro, la foule de passagers sortants bousculaient les autres pour se frayer un passage vers la sortie.
Et l’échelonnement de mes considérations est le suivant :
Au moyen-âge ou avant, à une époque considérée aujourd’hui comme barbare, quiconque devait franchir un obstacle humain poussait son obstacle de côté sans précautions, quand ce n’était pas le faire tomber pour lui marcher dessus.
Avec l’évangélisation, ou la civilisation par la chrétienté, on apprit aux barbares que leurs actes violents étaient jugés par Dieu ; ainsi, si les pratiques de franchissement d’obstacles ne changeaient pas pour autant, du moins invoquait-on le pardon de Dieu après avoir molesté l’obstacle pour l’écarter.
Plus tard, les courants humanistes ont permis à chaque humain de prendre conscience de l’humanité des autres humains. Au lieu de pousser l’obstacle humain pour s’excuser devant Dieu, on s’amena à souhaiter que la personne gênante s’écarte d’elle-même, s’il lui plaisait. Et en cas de contact physique nécessaire, on présentait après-coup ses excuses pour la gêne.
Plus tard encore, la finesse des protocoles inversaient l’action et la réaction : on demandait à l’obstacle d’excuser d’avance celui qui était obligé de lui signifier qu’il gênait. L’obstacle excusait, puis invoquait le pardon auprès de celui qu’il gênait pour cette inversion des rôles, et on remerciait l’obstacle pour sa délicatesse après coup.
Aujourd’hui, la civilisation est en déclin. Je vois des humains prononcer le mot « pardon » sur un ton impératif, comme Ali Baba prononcerait « Sésame, ouvre-toi » devant la porte de la caverne. Le protocole n’est plus, c’est l’âge de l’interrupteur qui allume la lumière, le mot magique dont on attend qu’il fasse s’écarter la foule mécaniquement. Et comme un enfant s’énerverait et manipulerait violemment un interrupteur de lampe en panne, je vois d’aucuns invoquer leur « pardon ! » sur un ton de plus en plus fort… Pour finalement pousser sans délicatesse, comme le barbare d’antan.
Bref.
Bon, hop, manger.