Absorption, Visions, Sensations
Dimanche soir, séance de cinéma pour voir Ghost in the Shell : Innocence. C’était magnifique, un plaisir pour les sens, surtout les miens sensibles au subtil mélange d’images de synthèse et de dessins. Par contre, les thèmes abordés n’étaient pas suffisamment nouveaux pour que je me sente déstabilisé en fin de séance. Ou plutôt, j’avais l’esprit occupé par le scénario de ce troisième tome de l’histoire du dernier Héraut-Mage.
En plus d’avoir drainé sans que je puisse y résister toute ma capacité de lecture depuis une semaine, à tel point que j’ai perdu la notion du temps qui passe, j’ai ressenti pendant ces lectures une diversité d’émotions dont je ne me savais pas capable. J’étais tendu dès le premier chapitre du premier tome, et ce jusqu’à la fin du dernier ; le prix à payer pour ressentir les émotions des personnages si ouvertement décrits dans le texte : quand la tension est retombée d’un coup, à la dernière page avant l’épilogue, les larmes ont commencé à couler, et lorsque j’ai fermé le bouquin le mélange de fatigue accumulée et de chagrin pour cette histoire belle mais terriblement triste m’a emporté dans un flot de sanglots que seul le sommeil a calmé.
Ce matin en me réveillant, je savais que mon subconscient avait fait le tri et noyé les images de lecture déclenchant mon empathie. Seul une réminiscence passagère et rapide sous la douche réussit à m’arracher un sanglot supplémentaire, mais la routine a repris le dessus et je me suis laissé porter par mes automatismes matinaux, qui m’ont calmé en m’amenant à mon bureau.
Dans le métro, sans musique ni lecture, j’ai réfléchi un peu (dans la mesure de ce que ma fatigue me permet, je n’ai dormi que six heures cette nuit). Plusieurs constats sont évidents :
- à ce rythme de lecture, je vais bientôt avoir un vocabulaire littéraire plus riche en anglais qu’en français. Déjà ce matin, en préparant cette rédaction, j’ai du rechercher dans un dictionnaire la traduction de plusieurs adjectifs et adverbes qui me sont venus en anglais sans que je me souvienne d’un équivalent satisfaisant en français. Ce n’est pas la première fois que ça m’arrive, mais je me suis rendu compte ce matin que désormais à chaque fois que je me pose la question de décrire ce que je ressens (à des fins d’introspection) le seul vocabulaire maîtrisé à ma disposition provient de la langue de Shakespeare ;
- il me faut une longue pause de lecture. Je comptais lire Substance Mort de P.K. Dick, qui m’attend sur une étagère depuis presque un mois, mais ces derniers émois m’ont prévenu qu’à l’approche de semaines de travail particulièrement chargées il était probablement néfaste que je me laisse entraîner et affaiblir à nouveau par des lectures fortes. Par ailleurs, mes cours d’université sont enfin disponibles, et il serait temps que je me plonge dans leur lecture ainsi que celle de la littérature associée ;
- cette littérature de Mercedes Lackey a contribué à combler un vide dans mon expérience de ressenti littéraire, qu’à défaut de meilleure explication je lierais à celui comblé chez les adolescentes par la lecture de la Bibliothèque Rose ou Verte. Je suis en pleine deuxième adolescence, en pleine éducation affective supportée par un imaginaire dans lequel je peux m’identifier aux personnages, et j’aime ça. De fait, je vais m’atteler activement à la tâche de me fournir en supports supplémentaires, autant que faire se peut.