Occupation & recul
Tojours dans la veine des oppositions, que dire de ma décision quotidienne, quand je pars de chez moi, de ne pas acheter mon petit-déjeuner en bas de mon bureau — pour toutes les mauvaises expériences vécues à ce comptoir (je ne compte plus le nombre de services mal rendus) et parce que l’idée d’être devenu un client « régulier » m’insupporte par les effets secondaires (familiarité, automatisme donc dégradation du service) que cet attribut revêt —, décision annulée au moment où le coin du bâtiment arrive en vue après la sortie du métro et évacuée de ma mémoire, un jour de plus, le temps de me présenter au comptoir et commander ma formule petit-déjeuner ? Inconstance, encore !
D’une manière générale, la récurrence de mes crises de déprime me permet de mieux en mieux d’en faire abstraction. Dès lors que le cycle et les conditions nécessaires à son accomplissement sont isolés, mes craintes et mes douleurs se déplacent de mon désarroi face à la dégradation de mon état vers les changements que l’accomplissement du cycle apporteront, ou pas, à ma personnalité.
Fut une époque, point si lointaine (quelques semaines à peine) où mon apparente bonne humeur et mes hormones estivales me poussèrent à mettre des efforts inhabituels dans certains aspects de mon existence ; à cette occasion, mon habitat s’est vu remis aux normes de la bienséance, et je réfléchissais quotidiennement au meilleur agencement possible de mon habillage compte tenu du peu de moyens à ma disposition et de l’image que je pensais avoir de moi-même. Le résultats n’était pas forcément brillant, mais au moins l’intention était là, c’était moins pire que d’habitude, et ma motivation pour améliorer mon image était, je l’espérais, suffisamment visible pour plaire un peu plus. Devant le constat récent de la vacuité de l’intérêt interpersonnel, sinon de son illusion, et suite à mon malaise, j’ai perdu toutes ces intentions et arrêté de maintenir mon habitat et mes atours dans les critères de la bienséance. Le raisonnement est simple : si mon dégoût du monde qui m’entoure et, par extension, de moi-même m’indispose suffisamment pour m’empêcher, entre autres, d’être excité sexuellement, je n’ai aucune raison de l’inciter chez les autres.
Indépendamment de mon mépris pour la futilité, il me faudrait trouver une raison pour que cela change. En fait, je me vois bien participer au jeu de la séduction en connaissance des causes de sa futilité, et cela pourrait même apporter une rigueur, voire un piquant, intéressants à l’activité.
Et avec ça, se profile à l’horizon mon image de vieille folle amère et désabusée. Beurk.