Ceci n’est pas un titre.
La journée de travail a été longue. Je suis parti du bureau à 21:30. Bon, ok la dernière heure n’a pas été très productive, mais quand même.
En rentrant, j’étais tellement fatigué que je me suis assoupi plusieurs fois dans le métro, suffisamment pour rater la station Bercy où je devais passer de la ligne 14 à la ligne 6… Galère. Fatigue.
Déprime aussi, un peu. La journée entière a été passée avec la gueule de bois, peu d’appétit, alors forcément ce soir j’avais faim et mal à la tête. Dans ces conditions les idées noires accrochent vite, et ont l’inconvénient d’inciter à sauter le repas par manque de motivation.
Heureusement, il y avait une échoppe ouverte en face de la sortie du métro, et même avec toute la paresse dont je suis capable je n’ai pas pu résister à la facilité d’y rentrer commander quelques lipides & protéines pour mon repas du soir. (Pas de meilleur désignation pour le composé matériel absorbé ce soir, que j’oserais à peine appeler nourriture)
Et après, ça allait mieux.
Je suis rentré chez moi, je me suis apaisé en laissant courir mes doigts sur le piano, une activité que je n’avais pas pratiqué aussi librement depuis… longtemps ! Et comme prévu, la mélodie m’a empreint et m’a insufflé la sérénité que j’y recherchais, d’une manière que j’ai mal à décrire par manque de mots. C’est un des soucis avec le plaisir que j’éprouve avec cet instrument : je suis incapable d’en parler.
Bref.
Quand une petite déprime et sa disparition se suivent aussi vite dans le temps, ça donne envie de faire le point et de réutiliser la méthode, si méthode détectée, les prochaines fois. Et en fait, une rapide analyse montre que l’adage mens sana in corpore sano fait encore ici des siennes… Le ventre plein, une dose de glucides, un peu de musique agréable et hop, ça repart.
Voilà voilà.
Cela dit, pendant mon comateux trajet, plusieurs pensées se sont laissées fixer par ma conscience. Deux méritent mention :
Qu’est-ce qui ne va pas ? j’ai un appartement, je reçois mon diplôme de fin d’études samedi, mon chat me rejoint bientôt, je puis jouer à DDR et au piano quand il me sied, j’ai un travail dans un milieu paisible pour l’esprit, avec un salaire qui sans être mirobolant me permet de vivre confortablement, et je fréquente régulièrement plusieurs personnes avec qui je m’entends bien. Pourquoi suis-je insatisfait ? En fait, il y a plusieurs problèmes en suspend : mon ignorance des protocoles sociaux, les absentes relations familiales, le besoin jamais inassouvi d’écrire, de jouer de la musique, voire de chanter, le manque de culture qui m’oblige à intuiter imprudemment dans les conversations mondaines, l’instabilité émotionnelle, le manque d’estime pour le genre humain, le pessimisme, l’impression d’avoir manqué certains épisodes dans la vie.
Ça en fait, du boulot.
L’autre pensée, c’est le protocole social lui-même. Pour n’avoir fréquenté que peu de personnes pendant longtemps, je ne sais plus « rencontrer » quelqu’un. Les conversations de début de relation me semblent fades, et je m’interdis d’entamer certains sujets, ayant moi-même des idées incomplètes voire instables à leur propos, dont je ressens le besoin de dispenser mon interlocuteur. Par exemple : la famille (comment expliquer que je considère que je n’en ai pas alors que j’en ai beaucoup profité ?), le travail (comment expliquer que je suis très satisfait de mon travail alors que je n’affectionne pas beaucoup le domaine d’activité ?), l’avenir dans l’existence (comment expliquer que j’ai de grandes idées sur ce qu’est une existence réussie alors que je me vois si mal vieillir que j’en espère mourir jeune ?), les activités de vacances (comment expliquer que je les ai toutes vécues seul et isolé, et donc en calvaire, alors que j’adore le principe d’arrêter de travailler pour laisser libre court à son rythme ?), etc, etc.
En fait, par manque de relations sociales, je n’ai jamais appris des autres ce qui doit constituer l’essence d’une conversation intéressante, si elle n’est pas orientée autour d’une passion commune. Et pour les passions communes, il reste la difficulté de surmonter l’interdiction d’aborder un sujet aussi consensuel que « qu’aimes-tu faire dans la vie ? »
Je meurs d’envie de rencontrer des gens, surtout quand je constate jour après jour qu’il y a plein de gens bien qui gagneraient à être connus. Mais je ne me sens pas capable d’aller vers quelqu’un et de soutenir une interaction pour en révéler les meilleurs aspects moi-même, à cause de la surcharge de tabous bizarres décrite ci-dessus.
On me dit qu’une interaction, ça se construit à deux.
J’aimerais bien.
Mais quel est le facteur initiateur ?