Personne ne m’aime !
Alors que tout allait si bien, que la semaine dernière j’étais si motivé au travail, qu’avec joie et bonne volonté je m’attelais à la tâche le matin pour le soir arrêter avec la satisfaction d’avoir servi à quelque chose, comment se fait-il que depuis quelques jours je me laisse porter avec un profond désintérêt par l’inattention, la quête de la moindre distraction, et que je j’accorde aussi peu d’importance aux menus travaux qui devraient assurer dès le mois prochain le pain quotidien à ma table ?
Je suis écoeuré par la musique que j’écoute : celle que j’affectionnais jusqu’à récemment m’énerve désormais, et je n’arrive pas à « accrocher » à celle que mes collègues veulent me faire découvrir.
Je ne ressens pas le besoin de manger quand j’ai faim, alors qu’il est désormais clair que le manque de nourriture le matin ou le midi me fait passer physiquement un après-midi désagréable.
Rétrospectivement, quand j’y réfléchis, je n’aime pas cette situation. Alors pour éviter d’y penser, je dois monter le volume de la musique dans mes écouteurs, afin de saturer mon système sensoriel, mais avec l’inconvénient de ralentir le peu de travail que j’arrive encore à réaliser.
J’ai l’impression d’être en train d’attendre quelque chose. D’attendre un événement déclencheur, pour commencer une période nouvelle. Par défaut, je me dis que c’est ma soutenance de stage qui se déroulera mardi prochain, mais c’est une illusion : le mois dernier je pensais, dans le même but, au début de mon travail, et finalement ça n’a pas suffit. Je pense aussi à ma future installation dans un logement mien, mais je crains que ce ne soit là aussi qu’une illusion.
Quelques « trucs, » comme des drogues, me sortent de cette torpeur : discuter avec des gens bien, rouler en patins, lire, cuisiner, sont autant d’activités qui me rendent immédiatement euphorique et insouciant. Mais à chaque fois, il suffit d’un détail, d’un infime événement, pour que je me rappelle mes manques, et le marasme psychologique revient, et alors la chute est rude, mon euphorie se sent violée, et ensuite j’ai peur.
Alors je suis triste.
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