Les caresses à l’oreille

Je pose aujourd’hui pour la première fois sur mon piano vingt pages de partition imprimées cette semaine. Je connais l’air si bien qu’il résonne dans ma tête à la simple lecture des notes.

Mes doits n’ont jamais tenté de le jouer ; je suis anxieux, soucieux d’obtenir un résultat parfait à la première tentative, malgré ma définie inaptitude à lire une partition tout en la jouant.

Les quatre premières mesures sont faciles ; une seule main joue : je l’avais déjà exercée. Je ralentis quelques notes avant le premier accord, rapproche mon nez de la partition pour être sûr de bien lire. Ma main droite se pose : c’est réussi, pour le premier. La note suivante arrive, puis le deuxième accord. Les notes continuent à arriver, presque moins d’une par seconde, alors que je devrais jouer environ six fois plus vite.

Le premier son discordant est odieux ; je lève les mains.

Je retente, c’est pire : j’avais mal lu.

Je finis la mesure à une seule main : je veux reconnaître l’air, une seule main est suffisante pour cela. À la mesure suivante, les voix se croisent, je repose ma main droite. La mesure suivant me replonge dans des souvenirs d’orgies accoustiques.

Douze mesures se suivent ; je survole vaguement la partition : je sens ce qui doit être joué, mes doigts savent où ils doivent se poser. La vitesse s’accélère, et je rejoue six mesures pour mon pur plaisir.

La suite est réservée pour mes rêves.

Tout de même, vingt pages pour 10 minutes de musique… Quand pourrai-je apprendre tout ça ?