What’s going on !

Lorsqu’on rencontre quelqu’un, commence un processus de découverte durant lequel on va récolter de l’information dans le but d’enrichir la relation (je sais que les termes sont très abstraits, mais je pense que quiconque a un minimum de vie sociale ressent très bien ce à quoi je fais allusion).

Ce processus est souvent optimisé par l’observation des faits et gestes de l’interlocuteur, qui permettent de déduire tout un tas d’informations sans avoir à en discuter avec des mots. Exemples :

  • si je remarque que l’objet de mon intérêt est souvent vêtu de bleu, avec des motifs abstraits voire sans motifs du tout, je n’aurai pas besoin de lui demander si je dois éviter de lui offrir cette magnifique écharpe jaune avec un paysage de coucher de soleil en montagne à thème rouge brodé dans la doublure.
  • si je remarque que l’objet de mon intérêt affiche sur le mur de sa chambre ses trophées de ski et que sa garde-robe contient une douzaine de vestes de montagne, je n’aurai pas besoin (ou moins, en tout cas) de lui demander de choisir entre la mer et la montagne pour nos prochaines vacances.

Plus simplement, on peut aussi utiliser ce qu’on entend une fois pour en déduire un certain nombre d’éléments évidents :

  • je n’offrirai pas un t-shirt “fabriqué au Bangladesh” à l’objet de mon intérêt si celui-ci m’a déjà plusieurs foit fait part de sa désapprobation pour l’exploitation des pays pauvres par ces enculés de capitalistes.
  • j’éviterai d’offrir l’intégrale de Marcel Proust à l’objet de mon intérêt si celui-ci m’a expliqué un jour que la dernière fois qu’il a ouvert un livre était l’occasion de réviser son baccalauréat.

Oups, j’ai perdu le fil de ma pensée et de mon raisonnement. C’est ce qui arrive quand on fait une pause en cours d’écriture pour écouter un morceau sympa.

Tant pis.

Bon, alors, où voulais-je en venir?

Ah oui.

Depuis quelque jours, je m’intéresse à la corrélation entre les choses qu’on apprend à propos de quelqu’un sans les demander, et la durée écoulée depuis la rencontre. Plutôt qu’une longue explication, voici un petit tableau:

type d’information moment où elle est révélée “spontanément”
taille premier contact visuel
couleur des yeux
genre
nom première conversation
niveau de langue
voix première conversation orale
tics du langage
activité dans la vie assez rapidement
centres d’intérêt primaires
pays d’origine
ville de résidence

Inversement, il y a des choses qu’on n’apprend généralement pas avant l’établissement d’une certaine intimité. Par exemple, le nombre d’anciens amants, la présence (ou l’absence) de tatouage sur les parties génitales, la vie en famille, etc.

Et entre les deux, il y a évidemment plein de variations. C’est ça qui fait la richesse et la diversité des relations entre les gens, et c’est chouette.

Sauf que, il y a quelque chose qui m’a marqué. Si on vivait dans un monde idéal, c’est-à-dire au moins pas hétéro-centré, on ne saurait rien de la sexualité d’une nouvelle connaissance a priori, et il faudrait soit la demander, soit attendre qu’elle soit énoncée “spontanément”. C’est précisément à ça que j’ai réfléchi.

En en faisant l’effort intellectuel, on peut se poser la question de quels sont les indices forts, les témoignages explicites qui affirment (ou infirment) l’hétérosexualité de quelqu’un, qui indiquent si elle est exclusive ou non, et à quel moment dans l’établissement d’une relation les gens amènent ces indices.

Et en fait, ce n’est pas évident du tout !

En France, j’ai remarqué que les hétéros masculins ont tendance à dire assez vite “et ma copine s’appelle untelle”, ou “je n’ai pas de copine”, ou “ma copine vit dans telle ville”. Je pense que c’est un vestige d’un machisme mal placé, car les filles hétéros ne font pas (autant) de même, et je n’ai pas observé ça dans les autres pays européens dans lesquels j’ai pu vivre.

Pire: ici à Rotterdam les gens parlent assez librement de leur vie de couple, mais en anglais il n’y a pas de genre aux mots et la tendance universelle dans le pays est d’utiliser le mot “partner” pour “conjoint” en toutes occasions. Il n’y a quasiment pas moyen de tirer une information sur la sexualité de quelqu’un juste en l’écoutant parler de sa vie de couple au quotidien.

L’observation du style vestimentaire peut donner des indices, mais ça fait belle lurette que les Pays-bas dirigent la mode de l’androgynie avec la Suède. Les fringues de la pédale parisienne fashion sont celles de l’hétéro de base en Hollande.

Et bien sûr comme dans tout pays civilisé l’individu mâle ou femelle moyen se déclare ici officiellement “bisexuel”, quelque soit son orientation préférée, parce que ça fait “cool” d’être “ouvert”.

Ce qui me console, c’est de lire dans le journal ce matin un article selon lequel la drague est tellement devenu “un jeu” pour les gens ici que les célibataires en quête d’un partenaire commencent à publiquement se plaindre la difficulté d’amadouer quelqu’un vers la vie de couple, quelque soit le sexe recherché.