Pensées

C’était avant-hier, dans le train.

J’ai pensé. Pas réfléchi : pensé. Normalement, ça arrive à tout le monde, souvent, mais dans mon cas je me suis surpris à penser beaucoup sans essayer de me freiner dans mes pensées pour explorer rigoureusement toutes les ramifications, comme d’habitude. Et, chose intéressante, j’ai réussi à suivre un long cheminement de déductions abstraites sur moi-même, exploit remarquable quand je sais que c’est typiquement l’activité que j’évite d’habitude tant je la trouve désagréable.

Si j’avais été confiant en moi-même, si j’accordais quelque crédit à une suite de pensée qui n’a pas été motivée consciemment, ou si elle avait un rôle réparateur suite à un traumatisme, alors j’aurais extrait de cette suite de pensées des décisions fortes, des motivations à long terme, et j’aurais fait des choix importants qui influeraient sur ma vie de tous les jours dès maintenant. Mais ce n’était pas le cas. Du coup, j’ai gardé ces pensées de côté, en me disant que si elles revenaient d’elles-mêmes une nouvelle fois dans un contexte différent, alors seulement j’utiliserai cette redondance pour justifier une attention accrue.

Pourtant, ce ne sont pas des pensées incongrues, originales ni importantes. Exprimées de façon simple avec des mots, elles passeraient hors contexte pour les préoccupations inintéressantes d’un humain moyen voire médiocre. Ce qui les rend particulières, c’est leur nouveauté pour moi et l’ensemble des choix qu’elles me permettent, d’une part, et d’autre part l’impression qu’elles me donnent de résoudre de manière élégante le puzzle de mes préoccupations principales des derniers mois. Et puis, je trouve satisfaction et fierté à avoir eu ces pensées sans qu’elles me soient insufflées par un autre être humain : mêmes évidentes, je subodore que les idées afférentes sont souvent suggérées par autrui, alors que je sais que dans mon cas ce ne put être le cas puisque je me garde bien de confier matière à suggestions aux gens bien que je fréquente.