Histoire

Ce matin, j’ai rêvé. Un rêve très long dans son référentiel de temps. Le réveil m’en a sorti, et les souvenirs commencent déjà à s’estomper, donc je note, pour ne pas oublier dans le métro que je vais prendre en retard.

Ça a commencé par une vision cataclysmique : en train de travailler dans un bureau, d’un coup les lumières s’éteignent et on commence à voir l’eau arriver, beaucoup d’eau, énormément d’eau à l’horizon, dans un endroit pas du tout proche de la mer. Je me dis « ça y est, c’est la fin, et je ne suis pas en train de rêver. » La vision était si détaillée, si plein de sensations et de celles des gens autour, l’atmosphère électrique et tout, que c’était fichtrement réaliste et que je ne croyais pas au rêve (alors que je pense tout de suite au rêve dès que c’est vraiment trop « gros. »)

Comme ce n’était pas un rêve (ou du moins ne le croyais-je pas), mon sang n’a fait qu’un tour et j’ai libéré tous mes instincts de survie en les soutenant avec mon intelligence d’humain. Il fallait monter, plus vite que l’eau, le plus haut possible.

Ça a commencé par l’immeuble où j’étais situé. Tout d’abord par les escaliers intérieurs. Ensuite par les échelles de secours le long de la façade. Ensuite des échafaudages. Puis sur le bâtiment d’à côté. Au fur et à mesure que je montais, je me déplaçais de bâtiment en bâtiment, d’ailleurs en suivant un grand gaillard qui apparemment connaissais les chemins les plus courts vers les hauteurs salvatrices. Il fallait même parfois descendre d’un bâtiment pour grimper sur le bâtiment voisin, plus haut, et pour cela nous nous rapprochions de l’eau qui montait, lentement et tellement vite à la fois, en tout cas irrémédiablement.

Parvenus à l’extrémité de la ville, un groupe de gens dont je faisais partie s’étaient réunis en haut d’une tour. Je voyais l’eau monter, et je sentais qu’elle monterais plus haut que la hauteur de la tour. J’en descendis, pour courir vers la colline voisine, où je commençais à grimper.

S’ensuivit une très longue et magnifique randonnée dans des paysages de montagne. Après la petite colline, je grimpai la suivante, plus haute, et ainsi de suite, en fuyant l’eau et en cherchant l’altitude à tout prix. Sur le chemin, je me souviens avoir vu parmi les plus beaux paysages de montagne que je connaisse, traversé des champs de fleurs, des forêts, des marécages, des pentes couvertes de petits cailloux difficiles à grimper, et même des vallées qu’il fallait traverser pour atteindre des sommets plus haut de l’autre côté, des vallées pleines de lacs qui s’agrandissaient avec l’arrivée de l’eau.

Je ne m’en rendais pas compte, mais ce rêve m’a fait traverser à pied des centaines de kilomètres, dans un temps minimum en fuyant l’eau qui arrivait.

Je suis arrivé à un moment sur un maximum local, un sommet sans sommet plus haut visible alentour. En plus, il était habité sous la forme d’un petit village de montagne, et au moment de mon arrivée plusieurs autres groupes d’humains arrivèrent en même temps. Parmi eux, des groupes de personnes que je connaissais et qui se connaissaient entre elles, et je me souviens que nous nous sommes exclamés : « tiens, ça faisait longtemps » et « ça fait plaisir de se revoir, c’est dommage que ce soit dans ces conditions. » Certains venaient de courses à travers les montagnes, d’autres arrivaient en mongolfière, d’autres arrivaient par des tunnels verticaux creusés depuis des altitudes plus basses (et non, je ne croyais toujours pas au rêve, les perceptions étaient tellement précises ! et puis, dans une catastrophe, les lois de l’habitude sont cassées, alors je m’attendais à tout).

Et puis quelqu’un a crié : « l’eau arrive ! »

Sans savoir au début quoi faire, nous avons vu petit à petit une nouvelle montagne gigantesque sortir de la brume, beaucoup plus haute que notre sommet. Certains, trop fatigués pour continuer, se sont réfugiés dans les chalets les plus hauts du village, en espérant que ce serait suffisant. D’autres, comme moi, ont repris l’ascension. C’était autre chose, cette fois nous étions plusieurs.

Une fois encore, les paysages de montagnes étaient magnifique, et cette-fois ci il y avait un peu de neiges. Je commençais à me demander quelle tête aurait la surface de la terre si l’eau montait si haut que seul les plus hauts sommets enneigés dépassaient. Par ailleurs, j’ai commencé à d’un coup à me préoccuper du ravitaillement. J’ai commencé à me voir chassant les mains nus les animaux réfugiés dans les montagnes comme nous. Je me suis demandé si je savais faire le feu, ce qu’il arriverait lorsque je consumerais la dernière allumette que je portais avec moi, et si les autres humains affamés ne se jetteraient pas sur moi pour me manger (ou l’inverse).

Et puis nous sommes arrivés à une ville fantastique. Un gigantesque château prenant ses fondations dans la montagne et montant jusqu’aux nuages. Une vision digne des illustrations des majestueuses cités de Tolkien dans les éditions augmentées de l’œuvre écrite. Nous avons continué l’ascension de la pente de la montagne en longeant le mur de base de la cité, en cherchant un point d’entrée. À un moment, nous atteignîmes un plateau, avec une série de portes dans la cité.

(vite, les souvenirs disparaissent)

Nous nous sommes réfugiés à l’intérieur. Il y avait une guerre en cours avec la cité voisine, et nous nous sommes fait absorber avec le flot de protégés du château qui habitait sur le plateau (comme un chateau médiéval héberge ses paysans en cas de conflit). Toujours préoccupés par l’eau, nous nous sommes réfugiés dans les tour du château, à une altitude où on voyait des nuages au travers des fenêtres.

Je ne sais pas si c’est à ce moment ou plus tard, mais je me suis vu dans des stalles du château en train de me préparer à uriner, mais où je me suis arrêté car ces stalles avaient une grande fenêtre, une baie vitrée même, avec vu sur la vallée, et où on voyait l’étendu d’eau à l’horizon, au niveau du petit village de montagne quitté un peu plus tôt, qui continuait à monter. Je me rappelle avoir détourné le regard pour ne pas le voir noyé avec le reste, tout en me sentant rassuré que le château où j’étais actuellement était beaucoup, beaucoup, beaucoup plus haut, et en me raisonnant en disant que de toutes façons, si l’eau arrivait même jusqu’à où j’étais situé, c’est que de toutes façons je ne pouvais pas faire grand-chose de plus pour y échapper.

Et puis la situation s’est stabilisée.

Alors qu’il pleuvait une pluie fine jusqu’à ce moment-là, après plusieurs jours sans que l’eau monte la pluis s’est arrêtée, et il a fit beau temps.

Alors nous avons commencé à nous détendre. Mes compagnons de fuite ont commencé à s’installer dans un village du plateau voisin, à reconstruire avec les gens après la guerre locale. Je suis même rentré dans une église gonflable (allez savoir…) dans laquelle j’ai trouvé un code secret dans un repli du revêtement étanche. Je ne sais plus ce qui était inscrit, juste que je n’y comprenais rien.

Pour une raison que j’ai déjà oubliée, je me suis retrouvé dans un train pour aller à la cité voisine. Et puis j’ai raté mon arrêt en discutant avec quelqu’un. Et puis ensuite je me suis laisser porter par le train, qui avait ça de particulier qu’apparemment un haut dignitaire d’un autre pays l’empruntait avec les autres passagers pour se rendre dans une ville non touchée par l’inondation.

Nous avons continué le voyage, en traversant plusieurs cités par une voie de train très particulière, dont le circuit avait été tracée en creusant une tranchée qui traversait toutes les autres constructions, y compris les autres chemins de fer. Le train, par ailleurs, était un train particulier, il s’appelait « la ligne inverse » car l’électricité distribuée pour alimenter le train avait un voltage inversé.

Je me suis vu traversant plein de structures avec des gens tout à fait normaux et pas inquiétés, plein de villes,v ers une région de plus en plus désertique.

Et puis le train s’est arrêté, apparemment en panne. Dans une grande ville apparemment déserte, colorée uniquement en noir et jaune. Comme ces dessins de bande dessinée ou le contraste est porté au maximum pour séparer de grandes régions noires ou blanches, sauf que là c’était jaune au lieu de blanc. Le train c’était arrêté parce que la voie s’arrêtait : un obstacle quelconque était venu la couper. C’était visiblement intentionnel, alors les gens ont été invités à descendre pour mettre en place la défense militaire du haut dignitaire diplomate.

Je me suis retrouvé dans cette ville, et j’ai vite compris qu’il s’y passait quelque chose de pas normal. Il n’y avait personne à l’endroit où nous étions.

Au détour d’un couloir (où j’étais tout seul), j’ai croisé un humain-fantôme qui m’expliquai que la police locale faisait des rondes et tuait toute forme de vie située dans la région “noire”. C’était celle où le train était placé. Alors je courus dans les couloir, pour enfin m’arrêter épuisé dans une section ou les murs étaient tachés en jaune et en noir. Je me suis affaissé sur une tache jaune, et je me suis endormi.

Un peu plus tard, deux policiers sont arrivés. D’abord prêts à m’éliminer, l’un d’entre eux remarqua la tache que j’avais choisit et dit : « ah, je vois qu’on a affaire à un connaisseur. » (je m’en souvient assez précisément). Ils m’expliquèrent qu’il fallait m’embarquer au poste pour les formalités d’immigration. J’étais trop fatigué pour répondre, alors l’un d’eux s’est approché de moi et a commencé à me saisir.

Il le faisait si délicatement que je n’ai pas pu résisté à l’envie de lui caresser la nuque au moment où il me plaçait un bras autour du cou. En réponse, il m’a caressé aussi, y compris dans la région génitale, et je m’en suis trouvé fort aise. Et tandis que l’autre regardait nos caresses, je me suis endormi pour de vrai.

Et puis mon réveil a sonné.