Dépravation salutaire

Ce soir fut un soir fameux.

Nous étions quatre pour aller manger au Village Grec, rue Mouffetard, un restaurant à la luminosité rouge-orange et assez calme. Le menu était cryptique, mais le repas assez bon et surtout copieux. J’aime la cuisine grecque.

Une conversation riche et une bouteille d’un vin crétois léger ont agréablement agrémenté ce repas ; parmi différentes considérations métaphysiques, la discussion s’est orientée à certains moments autour de l’expérience des limites et des moyens de mise en œuvre pour atteindre ce qu’on désire.

D’où le constat que l’altération du mécanisme d’association entre les sensations et les émotions par la consommation de LSD peut être utilisée dans un but similaire à celui du piercing (modification du corps).

D’où le constat qu’on peut associer une expérience douloureuse au plaisir compensateur qui s’ensuit, la rendant ainsi supportable, acceptée voire souhaitée, constat illustré par la consommation du café pour apprécier le goût du chocolat qui l’accompagne, ou par l’élargissement de l’anus dans la sodomie qui vient avant le plaisir de la pénétration.

La soirée s’est terminée dans un café égyptien dans une rue transversale (au niveau de la place de la Contrescarpe), où nous avons bu du thé et fumé la chicha.

À cette occasion, j’ai découvert beaucoup de sensations nouvelles. C’est relativement indescriptible : les mots me manquent ; cependant, je me souviens clairement d’une expérience extra-corporelle (voir le groupe de personnes du dessus, en transluscence depuis la pièce à l’étage supérieur, une pièce que je voyais clairement recouverte de tapis persans et occupée par un lit à baldaquins) et intra-corporelles (la conscience aiguë du flux de circulation sanguine dans mon corps, et des flux thermiques entre mes extrémités et mon abdomen).

Là, tout de suite, je veux découvrir ce que signifie « entendre une couleur » ou « voir un bruit » ainsi que l’augmentation d’acuité intellectuelle ; l’expérience de l’inhalation était positive et j’aimerais l’étendre.

Et là tout de suite aussi, un moustique vient de me piquer dans le cou et ça me fait chier grandement. Surtout que je m’apprêtais à dormir tranquillement et que ce n’est désormais plus possible. Grumph.

Oui, l’utilisation de drogues pour la modification corporelles, dans le même esprit que le piercing, ça m’intéresse.