Thé et jus d’orange

Ce matin, le sujet de mon rêve pré-réveil était une personne ayant le don remarquable de pouvoir extraire les choses des rêves pour les amener dans le monde éveillé.

Et je me réveillai alors que je considérais la meilleure façon d’extraire cette personne de mon rêve.

Le trajet de mon lit à mon bureau s’est fait rapidement, sans traîner. Et tandis que le métro me déplaçait, je me laissai aller à quelques considérations supplémentaires.

Précisément, comment se fait-il que personne n’y trouve à redire quand je vante par écrit mes expériences heureuses ou les mérites d’untel ou untel, alors qu’une horde vient me conter fleurette (reproches ou consolations) lorsque j’exprime mon inconfort ou ce que je désapprouve dans le comportement d’autrui ?

Certes, mon inconscient me pousse sans doute à me montrer pathétique pour attirer la compassion, mais ça ne m’empêche pas de le regretter en même temps : ce faisant, je me montre que les situations lisses et sans malaise poussent à l’indifférence, et que celle-ci ne s’arrête que lorsque les aspérités apparaissent.

Dans mon monde de Bisounours©®™, j’honorerais mes relations avec les gens que j’aime en fêtant régulièrement, et ceux que je place au-dessus de moi dans la hiérarchie morale viendraient me donner des baffes quand je prétends être dans l’inconfort, en me rappelant qu’il y a des gens autrement plus malheureux que moi.

Au lieu de ça, dans la vraie vie je suis une larve paresseuse incapable de prendre l’initiative de faire plaisir à quelqu’un quand ça va bien, mais avec le pouvoir de secouer l’ordre établi quand je ne vais pas bien, en provoquant le désarroi et l’incompréhension autour de moi.

Ce qu’il me faudrait, c’est un modèle à suivre dont je ne puisse pas contester les fondements, qui soit suffisamment fort, illuminé et apaisé avec lui-même pour ne pas être affaibli par la douleur, vers qui je puisse chercher l’apaisement quand ça va mal plutôt que provoquer le désordre autour de moi, et qui me pousse à m’activer positivement le reste du temps.

Sauf que, dans la vraie vie, ça n’existe pas. Freud et la psychanalyse, c’est trop fermé. Les religions monothéïstes, ça ne laisse pas assez de place à l’indépendance intellectuelle. Il reste les génies historiques, mais ils ont deux inconvénients : celui qu’ils ne sont plus là (ils sont tous morts) et celui qu’ils ont eu une vie personnelle pas forcément heureuse (et qui nuit à leur image de modèle).

En fait, je ne peux compter que sur moi. J’en doutais, mais j’en doute de moins en moins.

Et avant de pouvoir me considérer comme mon propre modèle, j’ai encore du chemin à faire.

Grumph.