Mensonges et contrôle

Ce soir, c’était fête, fête de réussite d’examens pour la sœur de Mag et d’embauche de Mag elle-même. Nous sommes allés nous restaurer à l’Anahuacalli, un restaurant mexicain à l’intersection du boulevard Saint-Germain et de la rue des Bernardins. C’était délicieux, et copieux. La bonne humeur, mais aussi la fatigue, étaient au rendez-vous, ce qui fait qu’après le repas nous avons tous rejoint nos pénates métaboliquement satisfaits mais éteints.

À ceci près que le trajet du retour m’a servi à m’apercevoir de quelque chose d’important. Je me mens à moi-même. Beaucoup. Et je dois faire des efforts notoires pour ne pas mentir aux autres.

Ce soir, ça s’est passé deux fois. La première, c’est quand on m’a offert l’hospitalité, et qu’il m’est venue l’envie de prétendre avoir été invité au Merle à finir la soirée alors que mon seul désir était de rentrer dans mon chez-moi à moi. Non que le prétexte fut exagérément faux, puisqu’il est vrai qu’un de mes ex m’avait dit en journée qu’il s’y rendrait et que je lui ai promis de lui offrir un verre la prochaine fois que je l’y retrouverais, mais quand même… Bon, au final, j’ai décliné sans mentir, mais avec l’écœurement d’avoir du me retenir de dire une inepsie.

La deuxième, c’est quand un pauvre hère m’adressa la parole sur le quai du RER. En fait, avec les écouteurs sur les oreilles, je ne m’étais même pas aperçu qu’on m’adressait la parole. Puis j’ai senti l’odeur, celle de la respiration saturée en effluves alcoolisées au goût de bière. Un jeune homme fatigué, les yeux injectés de sang, essayait d’attirer mon attention, et dès que je fus en mesure de l’entendre et en train de l’écouter, il murmura, dans un râle épuisé : « hé, toi, t’es pédé ? » Aussitôt, se mélèrent en moi la surprise d’entendre posée cette question à un pareil moment et dans un tel contexte, et la méfiance quant aux motivations sous-jacentes…

Pourtant, en fait, je n’étais pas inquiet. Le cadre était rassurant, et le bonhomme avait fondamentalement bonne mine et semblait désirer entamer une conversation, ayant sans-doute voulu déduire quelque chose de mon habillage ou que sais-je encore. Et tandis que je me rendais compte que la meilleure réponse serait la plus courte et la plus exacte, est sortie sur un ton naturel la réponse la plus ridicule, mais hélas la plus habituelle : « je ne crois pas, non. » Inutile de dire que deux secondes après, j’avais déjà envie de me taper la tête contre le mur.

Grr. Je m’en veux.