Neurasthénie

Ça fait trois heures que je suis réveillé. Dans le noir complet, allongé sur mes deux matelas entre une couette et un duvet.

Je n’ai pas envie de me lever.

Je vais forcément me lever, par obligation, parce qu’il faut que je fasse cet après-midi la lessive qui me permettra de m’habiller propre cette semaine. Parce que j’aime me sentir propre, et surtout parce que je serai susceptible de rencontrer des gens bien pour qui c’est important.

Mais je n’ai pas envie de me lever.

Je vais peut-être me lever, parce que ma colocataire a accepté de me servir de cobaye pour mon entraînement au massage, et que m’entraîner me permettrait d’être fin prêt et apprécié si un jour se trouve en face de moi un dos à qui j’ai l’intention de plaire.

Mais je préfèrerai me nicher sous ma couette, au chaud. Tout seul. À attendre.

Attendre une vraie raison de vivre au grand jour, d’interagir avec ce monde que je désapprouve tellement plus que je ne l’apprécie… Attendre une motivation irrationnelle pour exister simplement.

Hier j’ai vu des gens bien pour qui je ne suis qu’un gen, peut-être bien, mais qu’un quelconque au milieu de tous. J’ai beau être humble, je me sens bien seul ce matin.

Ah, oups, on me dit que la journée est bientôt terminée.

Snif.

C’est trop difficile pour moi d’accepter que deux êtres humains puissent entretenir mutuellement beaucoup d’estime à l’égard de l’autre sans que leur relation ne s’élève par rapport à la banalité sociale, sans qu’elle transcende la consensualité pour devenir privilégiée parmi les autres.

Je conchie sur l’indifférence, sur l’inhibition sociale de l’expression de l’empathie et de la sympathie.

Le pire, c’est que braver l’inhibition comporte le risque de déplaire, de mettre mal à l’aise.

Je hais les conventions.