De l’intérêt et de la pertinence

Considérons d’un point de vue abstrait :

  • Un argument est-il recevable et à prendre en compte s’il n’émane que d’une peur irrationnelle ?
  • Une argumentation développée plus autour du démontage des arguments opposé qu’autour de l’apport d’arguments constructifs est-elle utile ?

Dans l’ordre inverse du questionnement :

  • Les français sont des râleurs : les quelques débats sur le mariage homosexuel que j’ai pu regarder d’un oeil distrait depuis la semaine dernière sur les chaînes de télévision publiques, autant sur la 5 que sur la 2, mettaient systématiquement sur scène des personnes aux idées complémentaires, souvent mauvaises, et rarement opposées… Mais ces personnes ont passé leur temps à s’insurger contre les arguments de leurs interlocuteurs, au nom du sacro-saint bien-fondé des leurs. En gros, on retrouve à chaque fois :
    1. « c’est un scandale, les couples homosexuels n’ont pas les même droits que les les couples hétérosexuels, il faut donc se battre pour instaurer les mêmes droits, donc le droit au mariage, etc. »
    2. « mais vous n’y pensez pas, si on ouvre le droit au mariage, c’est l’ouverture vers le droit à la famille (adopter, procréer), avec tous ses problèmes ! »
    3. « mais où est le mal à adopter ? Les homosexuels veulent avoir des enfants, c’est une injustice de ne pas leur fournir ce droit comme il est fourni aux hétérosexuels ! »
    4. « Oh la la ! Mais rien ne dit que l’élevage d’enfants par des couples homosexuels ne pose pas des problèmes psychologiques chez le(s) enfant(s) ! »

Hé bien, je trouve qu’ils ont tous raison. Et tous tort de défendre leur point de vue comme s’il était incompatible avec celui des autres. C’est complètement déconstructif.

C’est complètement inutile, et inopportun même, dans un contexte où finalement le débat existe que pour apporter un point de vue nouveau et des propositions concrètes au problème.

Pourquoi je dis « les français ? » Parce que ce que j’ai vu en Suède et en Angleterre, ainsi que ce que je crois savoir des pays d’Asie du Sud-Est, me pousse à croire que c’est typiquement français de contre-argumenter les idées des autres plutôt que d’en avoir de nouvelles, ou critiquer l’état du monde plutôt que de proposer des solutions pour l’améliorer. En gros, le typique « ça va pas, là » ou « c’était mieux avant » plutôt que les intelligents (à mon sens) « on va faire avec » ou « tentons de faire mieux » qu’on trouve en Scandinavie et probablement dans beaucoup de pays anglo-saxons.

  • « Je ne sais pas, je ne comprends pas, donc je n’aime pas » l’idée de la vie de couple d’homosexuels. À mon sens « je m’oppose systématiquement (quitte à faire quelques concessions après moultes argumentations) à toute initiative pro-normalisation de l’état homosexuel » c’est :
    • irrationnel ;
    • le réflexe « je n’aime pas donc cela ne doit pas exister » déguisé ;
    • un réflexe pratiqué traditionnellement par les enfants en bas âge pas encore éduqués ;
    • plus connu sous le nom de « réflexe de fuite » chez les animaux plus primitifs ;
    • donc bête. (attention, je ne dis pas que c’est mal, je n’ai absolument rien contre la stupidité - enfin pas à ce point de la discussion, voir plus bas)

Maintenant, est-ce qu’un tel comportement est recevable dans un processus de décision ? Plus clairement, doit-on prendre en compte une argumentation mal construite autour de cette « phobie » quand on débat sur le droit, c’est-à-dire des questions, potentiellement techniques, sur la loi ?

« La loi est là pour établir les règles de vie en société. » Dans une démocratie, tout processus dont le but avoué est de faire évoluer la loi doit prendre en compte l’avis de tous. Sauf exceptions : les avis exprimés en opposition aux fondements de la démocratie ne sont pas pris en compte, voire rejetés et condamnés. C’est la raison pour laquelle, par exemple, les néo-nazis n’ont que peu leur mot à dire (vote) sur les lois sur l’intégration, la pertinence de l’égalité des droits vis-à-vis des croyances, etc. Dans ce contexte, re-posons le problème sous deux formes, une première fois concrètement, et la seconde de manière un peu plus abstraite :

  1. « comment discuter du droit des homosexuels, dans un contexte ou la population est, dans sa plus grande partie, ignorante des problèmes qui existent, et dans la plus grande partie de la partie restante, homophobe ? »
  2. « comment améliorer l’état d’une partie minoritaire de la population, brimée par une inégalité de droits initialement non prévue (vide juridique initial, avec des inégalités créées à chaque décision judiciaire ponctuelle), alors que l’autre partie de la population est, sinon ignorante de cette inégalité, décidée à établir officiellement l’inégalité ? »

Clairement, il y a quatre entités à prendre en compte : la minorité brimée, la partie de population activement favorable à la suppression des brimades, la partie de population activement défavorable à la suppression des brimades, et la partie de la population qui n’y prête aucun intérêt. Pour compliquer le problème, ces différentes sous-parties de la population ne sont pas disjointes.

M’est avis qu’un simple vote (type référendum) n’est pas opportun tant que toute la population n’est pas informée de la situation. En fait, la situation est bloquée (toute discussion globale et constructive est empêchée) faute d’information.

D’un certain côté, ces émissions de télévision sont là pour combler ce manque…

Mais les argument sont souvent soit irrationnels (voir ci-dessus), soit subjectifs (une minorité qui se bat pour faire valoir ses droits ne peut pas avoir un point de vue objectif, faute de diminuer la force de sa position, déjà faible par le statut de minorité).

« Au four ! », donc, les uns comme les autres. Arrêtez de perdre votre temps dans des débats stériles et allez plutôt faire le bien dans le monde là où les gens souffrent plus que vous au quotidien.