Un américain me fait réfléchir

Hier, pendant une discussion sur un autre sujet, est arrivé un débat sur la liberté aux USA.

Un individu (américain) dans la conversation expliquait qu’il était devenu récemment paranoïaque, qu’il avait peur qu’on s’en prenne à sa personne (il habite à proximité d’une des écoles victime d’une fusillade il y a quelques années). Et à ma suggestion de déménager dans un autre pays, il m’a indiqué que l’idée pourrait lui convenir à partir du moment où je lui donnerai le nom d’un pays où la liberté prend “au moins” un sens aussi large qu’aux USA.

À ma demande de précisions, il m’a indiqué que pour lui, il est une nécessité minimale d’avoir le droit de porter une arme à feu sur soi et d’avoir le droit de l’utiliser en cas de légitime défense, ainsi que de disposer d’une police qui travaille autant à la protection de l’individu et des biens qu’à la poursuite des criminels (i.e. autant à la prévention qu’à la rétribution).

Déjà, cela a fait naître en moi une interrogation majeure : vivons-nous dans un monde où il y a matière à se faire du souci relativement à son intégrité corporelle, en tout cas suffisamment pour considérer le port d’une arme à feu comme une nécessité ? Est-ce que le danger est partout (et nous viverions dans une illusion de sécurité), où est-il réservé à certaines zones (par exemple le lieu de résidence de l’individu sus-mentionné) ?

Je ne me suis jamais considéré en danger, et j’avoue que je serais bien désemparé si un parfait inconnu se présentait devant moi en exprimant sa claire intention de porter atteinte à mon intégrité corporelle (ou ma liberté de mouvements). Mais est-ce qu’une arme à feu est le meilleur moyen de défense ?

Si on part du principe que la défense doit être individuelle, mon interlocuteur me disait avec justesse que les arts martiaux, malgré leur style et leur efficacité, ne sont efficaces que lorsqu’on est en bonne condition physique, ce qui n’est pas donné à tout le monde en toutes occasions. Par ailleurs, ça ne défend qu’une seule personne. Quant aux autres accessoires désorientants, comme la bombe lacrymogène ou la décharge éléctrique, ils ne sont que de courte durée.

Je n’ai pas trop d’opinion là-dessus. Par contre, je pense plutôt qu’il ne devrait pas y avoir besoin de défense individuelle, et qu’il devrait exister des méta-défenses qui inhiberaient les intentions de « l’assaillant. » Hélas, cela n’existe pas matériellement, et je ne suis pas sûr que les manipulations psychologiques en lesquelles je crois soient efficaces contre toute forme de violence.

En d’autre termes, je suis faible. En fait, c’est très simple de me tuer. Et au cours de la discussion, il m’est apparu que c’est beaucoup plus simple de me tuer que de tuer d’autres personnes.

Plus tard dans la conversation, mon interlocuteur a tenté de m’expliquer qu’un État n’existe que pour assoir son pouvoir. C’est-à-dire qu’un État n’existe que pour défendre les citoyens contre leurs ennemis et contre eux-même, en se réservant toutes les formes de pouvoir. Celui de bloquer les individus, d’en disposer et de disposer de la matière en toutes circonstances et pour tout motif arbitraire. Pour résumer, selon lui « la politique est essentiellement le contrôle du pouvoir. »

J’ai bien tenté de lui expliquer que d’après moi, sa vision des choses est la vision d’un américain, et qu’il était difficile pour moi humble étranger de dissocier son avis de ce que je sais de la politique générale des États-Unis. Hélas, il semblerait qu’il était relativement bien documenté sur la question d’étendre ses définitions à l’extérieur de son pays, et force m’est de reconnaître que je ne le suis pas ; il m’a donc fallu méditer sur une généralisation de ses dires.

J’en viens à penser que ce serait un bon moyen d’expliquer pourquoi je n’arrive pas à m’intéresser à la politique, en fin de compte.